Né en 1975 à Paris, Romain débute son parcours à la Faculté de théologie protestante de Genève. La découverte de la mystique médiévale l’éloigne progressivement de l’orthodoxie de son cursus initial et c’est à la faculté de philosophie, dans la classe d’André de Muralt, qu’il s’initie à la pensée de Maître Eckhart. La lecture de l’ouvrage Voici Maître Eckhart lui permet de découvrir John Cage. L’année suivante, il choisit d’étudier la composition musicale et la musique électro-acoustique au Conservatoire supérieur de Genève.

2001 – 2011 : de la musique aux arts plastiques

En 2001, Romain intègre l’IRCAM où il est réalisateur en informatique musicale et compositeur. L’institut, sous la direction de Bernard Stiegler, lui permet de collaborer avec des artistes tels de Melik Ohanian, Pierre Huyghe et Ugo Rondinone. C’est auprès d’eux qu’il se familiarise avec le champ des arts plastiques. En 2005, il présente sa première œuvre aux Soirées Nomades de la Fondation Cartier : la performance Dérive où le son de quatre guitares électriques et un dispositif lumineux dans le jardin convergent du dissonant vers l’unisson et du jour à la nuit. En 2006 pour développer un travail personnel, Romain quitte l’IRCAM.

En 2007, il intègre le Pavillon du Palais de Tokyo où il signe ses premières vidéos, au style contemplatif, qu’il expose au Palais de Tokyo et au Transpalette de Bourges. C’est là aussi qu’il imagine la performance musicale Ad Genua où la musique de Buxtehude est étirée, à la guitare électrique, jusqu’à devenir expérience. En 2009, Christine Macel et Emma Lavigne l’invitent à présenter sa vidéo Ad Astra lors d’une séance Prospectif Cinéma. La même année, Romain est artiste en résidence à la Villa Kujoyama où le désir  pour le narratif surgit. Il y imagine par exemple Blue blue electric blue (commande du CNAP, exposition Diagonale), un film sans image aux accents désertiques.

2011 – 2017 : Turquie

En 2011 souhaitant mettre ses images en mouvement — du mouvement dans ses images, Romain se lance dans un tournage en Turquie, déterminant pour la suite de son parcours : le road movie My empire of dirt le conduit d’Istanbul jusqu’à Mardin. Fasciné par le pays et ses langues, il y crée entre 2013 et 2017 une série de projets, où le narratif gagne en ampleur : du film Marcher puis disparaître, qui prend sa source sur le lac salé Tuz gölü, au Sud d’Ankara, naissent des formes signées par Benjamin Graindorge et un site web qui documente l’expérience du projet tout entier. So long after sunset and so far from dawn, réalisé entre Mardin et Ani (frontières syrienne et arménienne) et dévoilé en 2015 à la biennale de Mardin, au Nouveau Festival et à Lafayette Anticipations, est un dispositif mêlant vidéo, photographie et une voix kurdophone récitant un poème. Rien que de la terre, et de plus en plus sèche (FRAC PACA) met en scène deux personnages en attente d’un futur, d’un ailleurs. Le projet radiophonique Pourquoi je veux partir (Radio France / CNAP) marque la fin de l’ancrage de l’artiste sur le territoire turc.

Depuis 2018 : mondes possibles

Depuis 2018 faisant un pas de plus vers le narratif, Romain développe ce qu’il conçoit peu à peu comme des mondes possibles : des espaces sensibles prenant des formes variées (plastiques, littéraires, musicales, graphiques, performatives, numériques) où le public peut s’immerger. À ses yeux, ces mondes possibles sont des espaces d’expérimentation, des mondes qui pourraient être le nôtre si quelques déplacements, souvent d’ordre moral, n’y faisaient naître une étrangeté. L’expérience de cette étrangeté, donc.

Dans ses mondes possibles, Romain propose au public des expériences intimes au cœur du narratif, telles qu’entamer un dialogue avec les personnages, les rencontrer, observer ou bien utiliser leurs productions. Il propose l’expérience d’un contact et d’un lieu avec eux — ensemble.

En 2018, Romain imagine un projet au long cours centré sur la question du deuil. Dans sa première phase, le film Tout est vrai dévoile le récit de trois survivants ayant assisté à la disparition d’un être aimé. Des œuvres nées dans le film se mêlent à l’œuvre signée par l’artiste : sculpture de béton, photographies, film, performance sur les lieux du tournage et un roman éponyme signé par Zoé, un personnage du film. En 2020, désirant poursuivre le développement du projet, Romain crée le film Sans qu’aucun matin où Simon, né du roman de Zoé, Tout est vrai, tente de surmonter la disparition de sa mère. Mère qui donne son nom à la troisième phase du projet, Rebecca (2024), application web imaginée par Simon lui-même, offrant aux morts de parler aux vivants — aux vivants d’entendre les morts, alors. L’application est dévoilée dans le cadre de l’exposition Seconde personne qui se tient aux Tanneries (Amilly) la même année.

En 2019, Romain imagine le récit Boaz, du prénom d’un jeune homme que la communauté a désigné légende, consciente que la légende ne peut pas vivre : un sacrifice. La première phase du projet se concentre sur la temporalité du roman ; la vie de Boaz, tragique, est dévoilée en 2021 à la galerie Sator. La seconde phase est posthume à la vie de Boaz et au roman ; après la croyance séculière et vivante vient l’hybris dogmatique qui prend forme en 2022 à La Kunsthalle de Mulhouse à travers de multiples médiums. La troisième phase, critique, est en cours d’élaboration. 

Parallèlement à ces deux projets au long cours, Romain imagine Providence (2021), Valéry, manifeste (2022), Mickaël-monde (2023) et Né en mai (2023) où se mêlent roman et œuvres graphiques et sonores. En 2023, il édite romans et affiches, disponibles à des prix modiques, une façon d’entrer en contact avec le public hors du cadre de l’exposition. Cette série de projets offre d’expérimenter des mondes modestes et simples, libérés de certaines contraintes morales autant que de la façon dont le contemporain entend en libérer, sans oublier la racine du mot monde (mundus : symétrique au grec kosmos : ordonné, élégant, orné).